Comment Jérémie pouvait-il déclarer : « Grande est ta fidélité » ?

Le livre des Lamentations est rempli d’images de destruction, de perte et de chagrin. Étrangement, au milieu de ces écrits qui donnent à réfléchir, l’auteur affirme que Dieu est fidèle.

C’était une époque de tristesse et de confusion incomparables. Comment pouvait-on affirmer que Dieu était fidèle alors qu’il n’avait pas délivré son peuple de l’ennemi envahisseur ? La poignée de Juifs restés dans le pays avaient vu leurs biens personnels confisqués ou détruits, et ils avaient perdu des amis et des membres de leur famille à cause de la famine, de la maladie et de la guerre. Ils avaient perdu leur pays. Leur capitale bien-aimée, Jérusalem, avait été détruite, et le temple de Dieu était dévasté. Pourtant, au milieu des Lamentations, un livre de deuil national écrit peu après cette destruction, un passage remarquable affirme la fidélité de Dieu. Pour comprendre comment quelqu’un pouvait avoir un tel espoir, nous devons d’abord examiner de plus près les événements qui ont conduit à ce moment.

De la fidélité à la destruction

Un peu plus de deux décennies plus tôt, l’année 609 avant notre ère voit la mort du dernier roi juste de Juda, tué par le pharaon Nékao, selon le récit biblique (2 Rois 23:28-29). Bien que juste, le roi de Juda s’opposa prétentieusement à l’armée égyptienne qui se dirigeait vers le nord pour soutenir les restes de l’armée assyrienne prête à affronter une dernière fois les forces babyloniennes à Karkemish. À cette époque, le petit royaume de Juda était pris entre les superpuissances de l’époque : l’Égypte au sud et la menace babylonienne grandissante au nord. Les quatre rois de Juda qui se succédèrent sur le trône de Josias se retrouvèrent empêtrés dans la politique du pouvoir, négligeant la seule véritable sécurité qu’ils avaient : le Dieu Tout-Puissant ! Plutôt que d’écouter les avertissements de Dieu, tels que donnés par l’intermédiaire de son prophète Jérémie, ces rois essayèrent de monter les grandes puissances les unes contre les autres.

Jérémie, qui était assez jeune lorsqu’il fut appelé à être prophète sous le règne de Josias (Jérémie 1:2-6), continua à jouer son rôle pendant les décennies tumultueuses qui menèrent à la destruction de la nation. Les avertissements successifs restèrent lettre morte. Le résultat fut catastrophique, mais le prophète survécut, témoin de la destruction même qu’il avait prophétisée. Jérémie était prophète de Dieu et en tant que tel, il traita directement avec les derniers rois de Juda, tout en occupant une position unique pour voir ce qui était arrivé à la nation et pour en comprendre la raison. Il serait peut-être l’auteur des Lamentations, mais le livre lui-même n’indique pas qui l’a écrit.

Les Lamentations en tant que poésie

Maintenant que nous avons examiné les événements qui ont conduit à cette calamité, nous devrions examiner le livre des Lamentations lui-même. C’est un livre de deuil, mais c’est aussi un livre de poésie. La poésie hébraïque a certaines caractéristiques qui peuvent nous aider à reconnaître l’intention de l’auteur. La caractéristique poétique la plus frappante réside dans les quatre premiers chapitres de style acrostiche (chaque verset commence par une lettre différente de l’alphabet hébreu). La Zondervan Pictorial Encyclopedia of the Bible explique pourquoi l’auteur a choisi cette technique : « En procédant de l’aleph au taw, l’auteur a obtenu une catharsis émotionnelle, une déclaration complète de chagrin » (Vol. 3, p. 863, NDT). – Aleph et taw sont les première et dernières lettres de l’alphabet hébreu.

Un autre facteur poétique est révélé à travers l’imagerie du livre, particulièrement dramatique. Par exemple, l’auteur personnifie Jérusalem comme une veuve (Lamentations 1:1), ou comme une femme étendant les mains dans une prière restée sans réponse (verset 17 ; Sion est un autre nom de la ville, basé sur sa géographie). Il existe de nombreuses descriptions choquantes des horreurs que les survivants ont vécues, ou du moins dont ils ont été témoins. Pendant le siège de la ville, les enfants ont mendié de la nourriture (Lamentations 4:4), mais pire encore, les mères « ont fait cuire leurs propres enfants » (verset 10).

Or ce qui est encore plus significatif sur le plan poétique, c’est la structure chiastique (parallèle inversée) du livre. La poésie hébraïque associe souvent les éléments d’un poème de cette manière. La première et la dernière partie sont appariées, tout comme le sont la deuxième et la pénultième partie (l’avant-dernière), la troisième et l’antépénultième (l’avant-avant-dernière), etc. L’idée est d’amener le lecteur à travailler vers l’élément le plus important, qui se trouve au centre de la structure.

De nombreux spécialistes considèrent que le livre possède ce type de structure. Bien qu’il n’y ait pas d’accord universel sur ses détails, nous pouvons voir que lorsque l’auteur des Lamentations déclare avec audace : « Oh ! que ta fidélité est grande ! » (Lamentations 3:23), le placement de cette pensée n’est pas un hasard. Elle se rapproche du centre du livre, soulignant le concept.

La fidélité de Dieu à sa parole

Les Lamentations ne sont pas seulement une expression de chagrin, mais aussi une reconnaissance de la cause de toutes les souffrances de Juda. Le peuple s’était rebellé contre Dieu (Lamentations 1:18). La nation refusa de tenir compte des avertissements que Dieu avait envoyés par l’intermédiaire de Jérémie, et c’est alors que Dieu « l’a humiliée » (verset 5) pour ses péchés (verset 8). Le livre ne blâme pas les Babyloniens pour la destruction du temple. Il reconnaît Dieu comme celui qui « a dédaigné son autel, repoussé son sanctuaire » (Lamentations 2:6).

L’auteur du livre conclut que rien de ce qui s’est passé n’était dû à une colère capricieuse. Il déclare très clairement : « L’Éternel a exécuté ce qu’il avait résolu, il a accompli la parole qu’il avait dès longtemps arrêtée » (verset 17). C’est une pensée importante qui mène à la déclaration « Oh ! que ta fidélité est grande ! » dans le chapitre suivant. Nous, les humains, avons tendance à penser à la fidélité de Dieu uniquement en termes de bénédictions promises. Mais Dieu a également promis une punition pour ceux qui désobéissent, et il est fidèle à sa parole, qu’il s’agisse de bénédiction ou d’avertissement. Plus d’un siècle avant que les Babyloniens ne détruisent Jérusalem, Ésaïe a écrit : « L’herbe sèche, la fleur tombe, mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement » (Ésaïe 40:8). Malheureusement, les enfants fidèles de Dieu peuvent être pris dans les événements qui les entourent parce qu’ils vivent ou travaillent parmi les désobéissants. Ils peuvent souffrir alors qu’ils n’ont rien fait pour mériter une telle punition. Jérémie a certainement souffert, mais il est resté fidèle à Dieu.

La réponse des fidèles

Le chapitre 3 s’éloigne de l’évocation du deuil national pour se concentrer sur le deuil personnel. La première partie révèle toutes les émotions qu’éprouve l’auteur à l’idée que Dieu l’aurait abandonné. L’auteur se sent « environné de poison et de douleur » (verset 5), il affirme que Dieu ignore ses prières (verset 8). Il en arrive même au point où l’espoir disparaît (verset 18). Puis, presque comme s’il voulait se souvenir, l’auteur pose les bases de sa profonde déclaration : « Je me souviens de cela, c’est pourquoi j’ai de l’espérance » (verset 21). Après avoir lu plus de deux chapitres de doléances, le lecteur est stupéfait par cette déclaration. Comment quelqu’un peut-il s’accrocher à l’espoir avec autant de ténacité ?

Il le fait en se souvenant du passé et en regardant au-delà du présent. Il le fait en se souvenant du caractère du Dieu qu’il a adoré toute sa vie. Il se souvient qu’il a personnellement survécu à la catastrophe grâce aux « bontés de l’Éternel » (verset 22), et il affirme une fois de plus que « L’Éternel est mon partage » (verset 24). C’est au milieu de ces deux versets que l’auteur nous donne ce qu’il y a de plus important à retenir : des paroles adressées à Dieu dans un moment d’humble acceptation : « Oh ! que ta fidélité est grande ! » (verset 23). Peu importe ce qui arrive à une personne, elle doit se rappeler que Dieu est fidèle. Il agit selon son jugement, mais il accorde également grâce et miséricorde aux humbles et aux obéissants (Ésaïe 66:2).

Dieu est-il fidèle aujourd’hui ?

L’auteur des Lamentations a donné un merveilleux exemple de foi au milieu d’une grande épreuve. Il n’a pas blâmé Dieu pour les troubles de la nation, même s’il semblait que Dieu l’avait abandonné personnellement (Lamentations 3:1-20). Nous aussi, nous pouvons nous demander pourquoi Dieu semble nous avoir abandonnés. Lorsque nous ressentons cela, nous pouvons prier Dieu directement à ce sujet. Il veut que nous lui communiquions nos pensées et nos sentiments les plus profonds. Mais, comme l’auteur des Lamentations, nous devons nous souvenir de la fidélité passée de Dieu (verset 21).

Les Lamentations fournissent en fait des conseils pratiques à toute personne se trouvant dans cette situation. Tout d’abord, nous devons être patients. Nous devons être prêts à « attendre en silence le secours de l’Éternel » (verset 26). En fait, on nous dit trois fois dans trois versets (versets 25-27) qu’il est bon d’attendre. Les trois versets suivants décrivent la deuxième étape : adopter une attitude d’humilité devant Dieu. Reconnaissant que « l’Éternel le lui impose » (verset 28), l’auteur se prosterne dans une soumission totale, mettant « sa bouche dans la poussière » (verset 29). Il est prêt à accepter tout ce qui lui arrive (verset 30).

La troisième étape consiste à comprendre que « le Seigneur ne rejette pas à toujours » (verset 31). Lorsque nous sommes confrontés à des revers, à des pertes, à du chagrin et à de l’angoisse, nous devons nous forcer à nous souvenir de la fidélité de Dieu. Nous devons attendre le moment choisi par Dieu. Nous devons nous humilier dans une soumission respectueuse. Et nous devons comprendre que Dieu n’ignorera pas notre situation difficile. Ces pensées sont toujours importantes, mais surtout à mesure que notre monde se rapproche du temps de la fin. Nous pourrions nous retrouver à assister à l'écroulement inévitable d’un monde pécheur, tout comme Jérémie a assisté à l’effondrement prévisible d’une nation pécheresse. Et c’est le moment idéal pour déclarer à Dieu : « Oh ! que ta fidélité est grande ! » Pour en savoir plus, consultez nos articles Compter sur Dieu et Comment avoir plus de foi.

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