La théorie du décalage

Quel âge a la terre ? A-t-elle été créée il y a 6000 ans ou il y a des milliards d’années ? S’il s’agit de milliards d’années, cela contredit-il le récit biblique de la Genèse ?

Dieu a-t-il créé l’univers en six jours ?

D’après la Bible, l’univers existait déjà avant les six jours de la création. L’Écriture « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1:1) décrit le début de l’histoire de l’homme, mais des évènements antérieurs sont également évoqués.

Avant même que Dieu ait « séparé la lumière d’avec les ténèbres » (verset 4) et ait ainsi créé « le premier jour » (verset 5), il est précisé que « l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux », ce qui prouve que la terre existait déjà avant la semaine de la création de l’homme, bien que l’âge de notre planète ne soit pas précisé. En fait, il est possible que des milliards d’années se soient écoulés depuis la création originale de la terre et de l’univers, entre Genèse 1:1 et Genèse 1:2.

On pense souvent que la semaine de la création décrite dans le premier chapitre de la Genèse correspondrait à la création de l’univers et de la terre à partir de rien, il y a 6000 ans. Or, cette interprétation contredit la géologie et l’astronomie, d’après lesquelles la terre et l’univers sont beaucoup plus anciens. Évidemment, ceux qui ont prouvé l’existence de Dieu comprennent que puisque l’Éternel créa Adam et Ève en tant qu’adultes et non comme bébés, Il aurait pu aussi créer tout l’univers dès cette époque. Ce point de vue est à la base du créationnisme terre jeune – théorie comprenant des explications beaucoup plus détaillées, supposées expliquer tout, depuis les dinosaures jusqu’à la datation au radiocarbone.

Néanmoins, beaucoup d’autres croient aussi que cette interprétation n’explique pas de manière satisfaisante toutes les preuves scientifiques du registre biblique de la préhistoire. Bien que l’idée que la terre serait « une planète jeune » soit relativement populaire, ce n’est pas la seule explication biblique de la création. Deux autres explications ont été proposées, selon lesquelles la terre serait bien plus ancienne.

Une création dont chaque jour représenterait une ère

L’une de ces autres explications essaie de réconcilier la Bible et la géologie puis l’astronomie, interprétant les « jours » de la semaine biblique de la création comme des ères (ou des âges) pouvant avoir duré plusieurs millions – voire milliards – d’années. Cependant, ce type de créationnisme présente plusieurs contradictions.

Quelle fut la durée des jours de la création biblique ?

Quel sens a le mot « jour » dans le récit de la création dans la Genèse ? En hébreu, il s’agit du mot yom et il décrit souvent un moment ou un temps, comme lorsqu’il est question d’un « jour de vengeance » (Ésaïe 63:4) ou du « jour de la détresse » (Proverbes 24:10). Parfois, il est aussi utilisé pour représenter symboliquement une « année » (« un jour pour chaque année » – Ézéchiel 4:6).

Le mot « jour » peut aussi représenter la portion diurne – ou de clarté – de 12 heures dans une période de 24 heures. La pluie qui provoqua le déluge, du temps de Noé, tomba 40 jours et 40 nuits (Genèse 7:12). Jonas fut dans ventre d’un grand poisson trois jours et trois nuits (Jonas 1:17). Christ, lui aussi, fut dans le sépulcre trois jours et trois nuits (Matthieu 12:39-40).

Un jour équivaut-il à une ère ?

Ceux qui croient que les jours de la création ont duré toute une ère – ou un âge – auront du mal à expliquer le passage suivant : « Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Eternel, ton Dieu […] Car en six jours l’Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié » (Exode 20:9-11). Le mot hébreu yom apparaît cinq fois dans ce passage, et il correspond à une période de 24 heures et non à une ère. Si chacun de ces sept jours était supposé représenter une ère, le mot hébreu dor (âge) aurait probablement été utilisé, au lieu de yom.

Examinons l’ordre des jours de la semaine de la création afin de savoir s’il est logique d’y voir des âges ou des ères, à la lumière de ce que l’Éternel y créa.

Premièrement, il est intéressant de noter ceci : avant que Dieu « sépare la lumière d’avec les ténèbres » et créé « le premier jour », il est précisé que « l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux ». La terre, et les eaux qui s’y trouvaient existaient donc déjà avant que Dieu ne crée « le premier jour » de la semaine lors de la création de l’homme. Apparemment, notre planète et l’eau qui la couvrait étaient plongées dans les ténèbres. En effet, Dieu dit : « Que la lumière soit ! ». Apparemment, la lumière ne pouvait pas atteindre la surface de la terre jusqu’à ce que Dieu la fasse paraître.

Les plantes furent créées le troisième jour (Genèse 1:11-13), et la lune, le soleil et les étoiles devinrent visibles le quatrième jour (Genèse 1:14-19). Comment les plantes auraient-elles pu survivre plusieurs millions d’années, sans les rayons du soleil ? Les oiseaux et les insectes furent créés le cinquième jour (Genèse 1:20-23). Beaucoup de plantes n’auraient pas pu survivre sans insectes et sans oiseaux pour les polliniser.

Incidemment, il est précisé : « Il y eut un soir, puis un matin. Ce fut le premier jour » (Genèse 1:5). La même phrase est répétée pour chacun des autres jours de la semaine de la création, et il est clair qu’il s’agit de périodes de 24 heures. Par conséquent, vu l’emploi du mot « jour » et l’ordre des évènements décrits pour chacun de ces jours dans le premier chapitre de la Genèse, le sens du mot « jour » (yom) correspondait à une période de 24 heures et non à des milliers, des millions ou des milliards d’années. Heureusement, une explication supplémentaire jette encore plus de lumière sur ce que déclare la Bible.

La théorie du décalage

Quand on examine Genèse 1:1 et Genèse 1:2, il semble qu’un certain temps se soit écoulé entre les évènements décrits dans un verset, puis dans l’autre. Au verset 1, il est écrit : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre ». Il est ici question de la période où Dieu créa les astres, les étoiles et la terre où nous vivons. Les anges existaient avant la création de la terre, et ils avaient « éclaté en chants d’allégresse » et « poussé des cris de joie » quand notre planète avait été créée (Job 38:4, 6-7) ?

Dans Genèse 1:2, il est écrit que « la terre était informe [en hébreu = tohu] et vide [en hébreu = bohu] ». Reportons-nous à d’autres passages, dans la Bible, afin de mieux comprendre ce verset. « Ainsi parle l’Eternel, le créateur des cieux, le seul Dieu, qui a formé la terre, qui l’a faite et qui l’a affermie, qui l’a créée pour qu’elle ne soit pas déserte [en hébreu =tohu], qui l’a formée pour qu’elle soit habitée : Je suis l’Eternel, et il n’y en a point d’autre » (Ésaïe 45:18). Dieu dit donc ne pas avoir créé la terre pour qu’elle soit « déserte ». Par conséquent, que s’est-il passé entre le verset 1 et le verset 2 du premier chapitre de la Genèse ?

Le mot « était », au verset 2, est la traduction du mot hébreu hayah qui apparaît aussi ailleurs dans la Genèse, mais qui y est traduit autrement. Reportons-nous à plusieurs de ces passages :

  • « L’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint [hayah] une âme vivante » (Genèse 2:7).

  • « La femme de Lot regarda en arrière, et elle devint [hayah] une statue de sel » (Genèse 19:26).

  • « Il est vrai qu’elle [Sarah] est ma sœur, fille de mon père ; seulement, elle n’est pas fille de ma mère ; et elle est devenue [hayah] ma femme » (Genèse 20:12).

Comme l’indiquent ces exemples dans le livre de la Genèse, non seulement le mot hayah peut être traduit par « était », mais le mot « devint » – ou l’expression « était devenu[e] » – est plus correct.

Comme le fait remarquer Gleason Archer – professeur de langues bibliques – dans A Survey of Old Testament Introduction, « il est à noter qu’à ce sujet, le verbe “était” dans Genèse 1:2 peut aussi bien être traduit par « devint », ce qui rend : “La terre devint informe et vide”. Seule une catastrophe cosmique peut expliquer l’introduction d’un chaos dans la perfection originale de la création divine. Sans le moindre doute, cette interprétation est exégétiquement défendable ». Dans une remarque à la page 184, le Pr Archer ajoute : « À proprement parler, ce verbe hayah n’a jamais le sens d’existence statique comme le verbe être. En somme, il traduit la notion de devenir […] Dans Genèse 3:20, le sens exact est “L’homme appela sa femme du nom d’Ève, car elle est devenue la mère de tous les vivants” […] On ne peut donc pas grammaticalement s’opposer à ce que Genèse 1:2 soit traduit par “la terre devint informe et vide” (ibid.) ».

Par conséquent, si l’on traduit le verbe hayah par « devint » ou « était devenue », cela sous-entend que la terre avait été créée parfaite au départ, dans Genèse 1:1, mais qu’elle était devenue informe (ou « un chaos » – Nouvelle Bible Segond) et vide. Cet intervalle dans le temps se serait produit entre le verset 1 et le verset 2. Cette explication est ce que l’on appelle « la théorie du décalage ».

Pourquoi la terre était-elle devenue informe et vide ?

Comme nous l’avons vu plus haut, le prophète Ésaïe nous fournit une claire indication que ce n’était pas Dieu qui avait rendu la terre informe et vide. Il est écrit : « Ainsi parle l’Eternel, le créateur des cieux, le seul Dieu, qui a formé la terre, qui l’a faite et qui l’a affermie, qui l’a créée pour qu’elle ne soit pas déserte, qui l’a formée pour qu’elle soit habitée » (Ésaïe 45:18). Si Dieu n’a pas créé la terre tohu, ou déserte, qu’est ce qui l’a plongée dans le chaos ?

Les anges avaient été créés avant que la terre ne le soit (Job 38:4, 6-7). Toutefois, une terrible catastrophe eut lieu. L’archange Lucifer essaya de s’emparer du trône de Dieu (Ésaïe 14:12-14). Le tiers des anges se joignit à cette révolte (Apocalypse 12:4). Ils furent repoussés et précipités sur la terre avec leur chef, qui devint Satan. Christ a dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair » (Luc 10:18). Apparemment, la terre fut saccagée du fait de cette rébellion. Satan n’avait pas été créé méchant. Il le devint par orgueil et il pécha contre Dieu en se rebellant contre lui (Ézéchiel 28:14-17). Lorsqu’il tenta Ève dans le jardin d’Eden, il était déjà diabolique.

Un historique de la théorie du décalage

Beaucoup de ceux qui ne croient pas à la théorie du décalage prétendent qu’elle a été développée pour essayer d’expliquer le livre de Charles Darwin – L’origine des espèces – qui parut en 1859. Or, l’idée de ce décalage date de plus de 1000 ans. Par exemple, on peut lire, dans le targoum Onkolos, traduit en araméen au deuxième siècle de notre ère par des érudits, à propos de Genèse 1:2 : « La terre fut rendue chaotique ».

La vulgarisation la plus récente de la théorie du décalage semble provenir du professeur Baron Cuvier, de l’université de Paris. Le Pr Cuvier croyait que la terre avait connu non pas une, mais de nombreuses révolutions ou cataclysmes hydriques, depuis sa création, la dernière ayant été le déluge de Noé. Le Pr Cuvier avait résumé ses idées en deux études : dans son « Discours sur la théorie de la terre » (1817) et ses « Discours sur les révolutions de la surface du globe » (1825).

Thomas Chalmers, qui vécut de 1780 à 1847, aurait aussi vulgarisé le créationnisme et la théorie du décalage avant Darwin. « Il en a parlé dans des discours en 1814 et l’a attribué à Episcopius » (Tom McIver, Formless and Void : Gap Theory Creationism). Le théologien Simon Episcopius lui-même vécut de 1583 à 1643), longtemps avant qu’il y ait eu des raisons scientifiques d’étudier cette explication.

Une semaine de réparations

Comment la théorie du décalage explique-t-elle la semaine de la création de la Genèse ? Le récit de Genèse 1:2 à Genèse 2:3 est rédigé avec l’optique d’un observateur se trouvant sur la terre. Il ne s’agit pas d’une description montrant Dieu créant la terre à partir de rien (ou de non-matière), ce qui est le cas pour Genèse 1:1. Il est question de Dieu réparant la terre gravement endommagée. « l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux ».

Le Psaume 104 décrit la création, et la part que l’Esprit de Dieu joue dans ce processus : « Tu envoies ton Esprit : ils sont créés, et tu renouvelles la face de la terre » (verset 30). Le mot « renouvelles » est la traduction française du mot hébreu chadash qui peut aussi être traduit par « répare » (The New Brown, Driver, Briggs Hebrew and English Lexicon of the Old Testament). Pendant cette semaine de sept jours de 24 heures, la terre fut restaurée, réparée. Genèse 1:3-5, 14-19 se sert des mots soir et matin ; nuit et jour ; ténèbres et lumière. Tous ces termes s’appliquent à des jours de 24 heures, comme à présent.

Il semble donc, d’après plusieurs versets bibliques et d’après ce que l’on peut observer de la terre et de l’univers, qu’il y a eu un intervalle de plusieurs millions ou de plusieurs milliards d’années entre Genèse 1:1 et Genèse 1:2. Ce qui est décrit au verset 1, c’est la création originale de l’univers. Ce qui est décrit à partir du verset 2, c’est la semaine de réparations de notre planète et non la création originale de la terre et de l’univers. Nous vous conseillons à cet effet de lire nos articles dans notre rubrique Dieu.

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