L'épidémie de solitude

L'épidémie de solitude se propage. Les tendances de notre monde moderne engendrent un sentiment de claustration et d'isolement croissant. Voici comment gérer la solitude.

« Nul homme n'est une île »

En 1624, le poète anglais John Donne écrivait : « Nul n'est une île, se suffisant à lui-même ; chaque homme est un morceau du continent, une partie de l'ensemble. » John Donne voulait dire que nul ne peut s'épanouir seul, isolé des autres. Les êtres humains sont des créatures sociales. Nous avons besoin de nous sentir connectés aux autres. Cette vérité est reprise dans la Bible. Dieu a dit au commencement : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul » (Genèse 2:18). Ecclésiaste 4:9-12 nous dit que nous pouvons accomplir davantage avec les autres que par nous-mêmes, et que les amis peuvent nous apporter réconfort et soutien lorsque nous sommes déprimés. Dieu nous a créés pour rechercher la compagnie plutôt que l'isolement ; et l'intimité plutôt que la solitude. 

S'éloigner les uns des autres : l'épidémie de solitude

Compte tenu de nos besoins de relations étroites avec les autres, des experts inquiets tirent la sonnette d'alarme : la solitude chronique a atteint des niveaux épidémiques dans notre société occidentale moderne. L'une d'elles est Jacqueline Olds, docteur en médecine, professeur agrégé de psychiatrie à la Harvard Medical School et co-auteur de L'Américain solitaire à la dérive au XXIe siècle (2010). « Les Américains sont plus isolés et seuls que jamais, malgré des moyens apparemment infinis de rester en contact grâce aux technologies de communication et aux réseaux sociaux », explique Jacqueline Olds. « La plupart d'entre nous ne connaissent pas leurs voisins. Nous changeons fréquemment d'emploi et déménageons, laissant souvent derrière nous famille et amis. Nous nous sentons coupables de simplement parler au téléphone avec un ami, alors que nous pourrions travailler. Notre culture est très transitoire et en constante évolution, où il est facile de se retrouver déconnecté socialement.»

Différents groupes de recherche ont mené des études ces dernières années, démontrant la prévalence croissante de la solitude. Selon un article du Wall Street Journal du 10 novembre 2023, « Les Américains passent désormais plus de temps seuls et moins de temps à socialiser en personne qu'il y a vingt ans, une tendance qui s'est affirmée avant même la pandémie. Un sondage Gallup de 2023 a révélé que 17 % des adultes américains – et près d'un quart des adultes de moins de 30 ans – déclaraient ressentir un profond sentiment de solitude la veille de l'enquête.» Une étude menée par des chercheurs de l'Université de Glasgow a également révélé que « la solitude et l'isolement social étaient liés à un risque accru de décès, toutes causes confondues ».

Parmi les problèmes de santé mentionnés figurent l'anxiété, les maladies cardiaques et la démence (« Loneliness Tied to Death Risk, Study Finds » : « la solitude est liée au risque de mort, selon une étude », Wall Street Journal, 10 novembre 2023). 

Des études antérieures avaient aussi démontré une augmentation de la solitude. John Cacioppo, psychologue à l'Université de Chicago, a rapporté en 2013 que 40 % des adultes souffraient de solitude, contre 20 % dans les années 1980. Une enquête menée en 2010 par l'Association américaine des retraités a révélé des résultats similaires : 35 % des adultes de plus de 45 ans souffraient de solitude chronique, contre 20 % dix ans plus tôt. Des études ont également été menées au Canada, en Australie et en Europe, avec des statistiques comparables.

La solitude à l’aune de l’isolement

Bien sûr, être seul ne signifie pas nécessairement être isolé, ni toujours quelque chose de négatif. Certaines personnes, notamment les introvertis, apprécient sincèrement le temps passé seul et se sentent assez à l'aise avec ce type de solitude. Même les extravertis peuvent souhaiter un moment de solitude chaque jour pour réfléchir et se ressourcer.

L’isolement est différent. Lorsque nous nous retrouvons seuls, nous ne le sommes pas par choix, et nous nous sentons tristes ou vides à cause de cela. Nous pouvons nous sentir écartés, aliénés ou déconnectés des autres, et n'avoir personne à qui parler. Même entouré, on peut se sentir seul si l'on n'a pas de lien avec ceux qui nous entourent.
Presque tout le monde se sent seul de temps à autre, et lorsqu'il en est ainsi, il s'agit généralement d'une solitude situationnelle (ou temporaire). Cette solitude est provoquée par des changements dans notre vie personnelle qui affectent gravement nos relations intimes, comme le décès d'un proche, une rupture amoureuse, un déménagement dans une nouvelle ville ou le départ d'amis proches. Bien que ces circonstances soient désagréables, ce type de solitude est temporaire.

La solitude chronique

Si de nouvelles relations durables ne se nouent pas, la solitude situationnelle peut se transformer en solitude chronique (ou à long terme). Un réseau de soutien faible ou un manque de compétences sociales peuvent également prédisposer à la solitude chronique. La solitude chronique peut persister pendant des années. Elle peut contribuer à de nombreux problèmes de santé physique et mentale, notamment l'anxiété, la dépression, l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie, les problèmes cardiovasculaires, les troubles du sommeil et le déclin cognitif.

Pourquoi nous sentons-nous de plus en plus seuls ?

Outre les changements de vie courants liés à la solitude situationnelle, notre société connaît des mutations majeures et durables. Ce sont ces changements dans notre mode de vie moderne qui sont considérés comme les causes profondes de l'épidémie actuelle de solitude. Il suffit d'observer la façon dont la plupart d'entre nous communiquons. « Nous parlons rarement au téléphone », observe Everett Painter, conseiller au Walters State Community College de Morristown, dans le Tennessee. « Nous utilisons plutôt les réseaux sociaux, qui, il faut l'admettre, peuvent être un excellent moyen de communiquer avec les autres. Le problème, c'est que certaines personnes n'utilisent que les réseaux sociaux pour communiquer.»
Il explique que lorsque nous privilégions la communication en ligne plutôt que les échanges en personne ou même par téléphone, « nos relations deviennent plus superficielles, ce qui peut nous donner un sentiment d'isolement ». Les formes de connexion les plus profondes se font en face à face. « Lorsque vous communiquez en ligne, vous ne pouvez pas déchiffrer le langage corporel des autres ni entendre leur ton de voix, et vous ne voyez que ce que les autres choisissent de partager.» « On ne voit donc pas la personne dans sa globalité et on passe à côté d'une grande partie du contexte et de la profondeur émotionnels », explique Nadine Kaslow, docteur professeur de psychiatrie et de sciences du comportement à la faculté de médecine de l'université Emory d'Atlanta, en Géorgie.

L’augmentation de la charge de travail et la solitude

Une deuxième tendance sociétale majeure est l'augmentation de la charge de travail. Les sociologues estiment qu'en moyenne, les parents américains travaillent chacun environ 15 heures par jour, combinant travail rémunéré et tâches ménagères. C'est le double de la charge de travail des générations précédentes, lorsque les parents n'avaient qu'un seul emploi à temps plein chacun.
Mais les parents ne sont pas les seuls à être plus occupés. « Presque tout le monde travaille plus longtemps », explique Jacqueline Olds. « Nous ramenons du travail à la maison à la fin de la journée ; nous travaillons le week-end ; et presque tout le monde se plaint d'être débordé. »
Avec tant de choses à faire, « beaucoup de gens décident ne plus avoir de temps à consacrer à leurs amis, ce qui accentue le sentiment de déconnexion », explique Jacqueline Olds. « Même si vous êtes libre, vous pouvez hésiter à appeler vos amis pour savoir s'ils souhaitent vous rejoindre, car vous supposez qu'ils sont occupés.»

Le déclin du sentiment d'appartenance et la solitude

Nos modes de vie frénétiques ont contribué à un troisième changement sociétal : nous perdons notre sens de la communauté. Fini le temps où l'on discutait tranquillement avec ses voisins par-dessus la clôture ou où l'on passait simplement leur rendre visite. Nombreux sont ceux qui n'ont aucune interaction avec leurs voisins. Cependant, ce n'est pas seulement dû au manque de temps, explique Nadine Kaslow. « On nous a inculqué l'idée qu'on ne peut faire confiance à personne.

Nous avons été contraints de nous replier sur nous-mêmes et de nous isoler des autres membres de notre communauté, par peur et anxiété, afin de nous sentir en sécurité. Non seulement nous avons moins de liens avec les autres membres de notre communauté, mais beaucoup d'entre nous vivent loin de leurs parents, grands-parents, frères et sœurs et autres proches, ce qui accentue notre sentiment de solitude, ajoute Nadine Kaslow.

Les foyers d'une seule personne et la solitude

Enfin, une quatrième tendance est l'augmentation du nombre de ménages d'une seule personne. Les chiffres du Bureau du recensement montrent que 27 % des ménages américains sont aujourd'hui composés d'une seule personne. En revanche, seulement 10 % des ménages américains étaient composés d'une seule personne dans les années 1950. Le nombre de personnes vivant seules continue d'augmenter, en grande partie à cause de la hausse des divorces, mais aussi parce que de plus en plus de personnes choisissent de vivre seules. « Il y a un siècle, vivre seul était rare, car la plupart des gens n'en avaient pas les moyens. Aujourd'hui, avec la prospérité croissante, de plus en plus de personnes peuvent se permettre de vivre seules, et c'est ce qu'elles font », explique Jacqueline Olds. Elle estime que cela reflète la culture américaine, qui privilégie l'individualisme et l'indépendance. « Il semble que plus on prospère, plus on a envie de vivre complètement seul, même si ce n'est pas bon pour nous », explique Jacqueline Olds. Des études ont régulièrement montré que les personnes vivant seules sont plus susceptibles de souffrir de solitude chronique que celles qui vivent avec d'autres personnes.

Comment gérer la solitude

« Prévoyez du temps dans votre agenda pour retrouver votre famille et vos amis, comme vous le feriez pour n'importe quel autre rendez-vous, suggère-t-elle. Une fois que vous l'avez inscrit, il y a beaucoup plus de chances qu'il ait lieu ».« Prévoyez du temps dans votre agenda pour retrouver votre famille et vos amis, comme vous le feriez pour n'importe quel autre rendez-vous. Une fois que vous l'avez inscrit à votre agenda, il y a beaucoup plus de chances qu'il ait lieu. » Bien que la solitude soit une tendance croissante dans notre société, nous ne devons pas en être les victimes. Nadine Kaslow affirme que l'un des meilleurs remèdes contre la solitude est de rechercher intentionnellement des interactions de qualité avec les autres. « Prévoyez du temps dans votre agenda pour retrouver votre famille et vos amis, comme vous le feriez pour n'importe quel autre rendez-vous, suggère-t-elle. Une fois que vous l'avez inscrit, il y a beaucoup plus de chances qu'il ait lieu ». Passer du temps ensemble peut signifier aller dîner au restaurant, prendre un café avec un ami, inviter des gens chez vous, organiser une sortie ou un rendez-vous téléphonique pour parler à un ami éloigné. « Vous devrez peut-être revoir vos priorités et jongler avec votre emploi du temps pour trouver du temps pour être avec les autres, mais rappelez-vous que c'est quelque chose que vous devriez vraiment faire », explique Everett Painter. Vous construisez des relations. Ce sont ces liens qui préviennent la solitude, nous apportent du soutien et enrichissent nos vies de bien des façons.

Si vous utilisez les réseaux sociaux, cela peut certainement vous aider à rester connecté, mais ne comptez sur eux pour entretenir vos relations. « Aimer » la publication d'un ami et publier des mises à jour de statut ne constituent guère des interactions sociales significatives. Everett Painter affirme que la communication numérique est « mieux utilisée en complément de la communication en personne, et non en remplacement.» Si la majorité de vos interactions se font via les réseaux sociaux, ou si vous utilisez régulièrement Facebook ou les SMS pour communiquer avec quelqu'un alors que vous pourriez discuter en face à face, il est temps de se déconnecter. 

<p>On peut être seul, même au milieu d'une foule.</p>

On peut être seul, même au milieu d'une foule.

Un autre antidote à la solitude est d'encourager les autres. La Bible nous montre que nous devons subvenir aux besoins des autres en plus des nôtres (Philippiens 2:4). Si vous connaissez quelqu'un qui traverse une situation difficile, se sentant peut-être seul, envoyez-lui une carte de vœux ou appelez-le pour lui dire bonjour. Demandez à votre pasteur les noms de personnes confinées ou de personnes handicapées qui auraient besoin de visite et d'encouragement (Jacques 1:27). Ou faites du bénévolat dans un refuge pour sans-abri, une maison de retraite ou un hospice. En vous concentrant sur les besoins des autres, votre solitude diminuera. 

Rencontrer de nouvelles personnes 

Placez-vous dans des situations qui vous permettent de rencontrer de nouvelles personnes. Inscrivez-vous à un cours dans votre communauté. Portez-vous volontaire pour être guide au musée d'art ou d'histoire de votre ville. Rejoignez une équipe de bowling, un groupe de sport ou un club de jardinage. Inscrivez-vous à un groupe de discussion littéraire à la bibliothèque. « Si vous fréquentez un groupe de personnes qui partagent vos centres d'intérêt et que vous les voyez régulièrement, vous vous ferez des amis avec le temps », explique Jacqueline Olds. De simples politesses peuvent aussi faire la différence. Souriez et saluez le voisin que vous croisez habituellement en allant au travail ou les camarades que vous ne connaissez pas lorsque vous les croisez à la bibliothèque. La traduction de Samuel Cahen de Proverbes 18:24 dit : « On doit s’attacher à un homme qui a des amis, un tel ami est plus attaché qu’un frère ». Si d'autres traductions rendent ce passage différemment, cette version soulève un point important et fondamental sur l'amitié. Un sourire est un excellent moyen de briser la glace et de se faire des amis.

Développer des relations enrichissantes

Le fléau de la solitude sévit dans notre monde actuel. Nombreux sont ceux qui se sentent isolés et aliénés. Pourtant, Dieu n'a pas voulu que nous soyons seuls. Il veut que nous vivions une vie remplie de relations enrichissantes. Si vous vous sentez seul, demandez à Dieu de vous aider à vous tourner vers les autres et à leur consacrer du temps. Demandez-lui de vous offrir des occasions de rencontrer et de pouvoir servir les autres. En suivant ses conseils, vous développerez des amitiés qui non seulement vous aideront à vous sentir plus connecté, mais vous permettront également de soutenir vos amis, anciens et nouveaux. Pour en savoir plus, consultez l'article Comment se faire des amis.

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