Savoir que dire, et ne pas dire, à un être éprouvé peut être un défi. Voici quelques conseils pratiques utiles.
Dégustant une gorgée de latte dans un petit café, je ne pus m’empêcher d’entendre la conversation en cours à la table d’à côté, à laquelle étaient assises trois femmes – dont l’une visiblement contrariée.
« Je viens de recevoir un coup de téléphone m’informant que je n’ai pas décroché l’emploi que je pensais pourtant avoir, sanglota cette dernière ; je n’arriverai jamais à trouver du travail ! »
Ses amies restèrent quelques instants immobiles et silencieuses, puis, à tour de rôle, émirent une suggestion dans l’espoir de lui remonter le moral. « Ne t’inquiètes pas, tu es intelligente, tu trouveras bientôt quelque chose ! » lui dit l’une d’elles.
« C’est probablement mieux ainsi, ajouta l’autre, garde le sourire ; nous ne voulons pas de larmes. Et si je t’emmenais voir un film ce soir ? Cela te ferait oublier que tu cherches un emploi ! »
« Non merci ! » répondit notre chercheuse d’emploi maintenant frustrée, en plus d’être déprimée.
Des commentaires peu futés
Je sortis du café, réfléchissant à la conversation des trois femmes. Leurs propos ne m’étonnaient pas particulièrement ; ils étaient courants. J’avais antérieurement fait l’objet de ce genre de commentaires qui m’avaient donné le sentiment d’être incomprise et seule. Et soyons honnête ; bien trop souvent j’ai moi aussi été celle lâchant des commentaires pas très futés.
Cela ne veut pas dire que lorsque nos propos découragent quelqu’un, c’est que nous cherchions à blesser. Nous cherchons peut-être, sincèrement, à aider. Mais quand on nous parle de ses peines, cela nous met parfois mal à l’aise. Nous ne savons pas toujours quoi dire, et gardons parfois un silence gênant ou proférons des platitudes pour rompre le silence, sans nous rendre compte de l’impression que nous donnons. Il nous arrive aussi de passer à un autre sujet, plus agréable, afin de nous sentir mieux dans notre peau.
Or, la personne qui souffre n’est pas encouragée pour autant, et se sent même parfois encore plus misérable.
Il nous incombe de faire de notre mieux pour soutenir ceux qui traversent des moments difficiles, même si cela n’est pas notre genre. La Bible nous dit : « Pleurez avec ceux qui pleurent » (Romains 12:15). Il est aussi écrit : « Portez les fardeaux les uns des autres » (Galates 6:2). D’autres versets soulignent l’importance de la compassion (Colossiens 3:12 ; Zacharie 7:9 ; 1 Pierre 3:8).
Quatre commentaires à ne pas faire
Très souvent, être un soutien revient à savoir quoi ne PAS dire quand un être souffre, est dans le deuil, a du chagrin, ou est découragé. J’ai remarqué que les quatre réactions suivantes font généralement plus de mal que de bien :
1. Nier ce que ressent l’être éprouvé
L’une des pires erreurs que l’on puisse commettre quand on vous annonce une mauvaise nouvelle est de nier tout ce qui est inquiétant. Comme l’explique la professeure en psychologie Sandra Burkhardt – de Saint Xavier University – « les gens paniquent tellement, ne sachant que dire ou faire, qu’ils nient ce que la personne éprouvée leur a dit, afin de ne pas être mal à l’aise eux-mêmes. Dans la plupart des cas, ils ne le font pas sciemment ; ils sont généralement bien intentionnés et ne se rendent pas compte de l’effet qu’a leur réaction ».
Changer de sujet, blaguer, ou prétendre que rien ne va mal coupe la communication et revient à dire à la personne affligée que son chagrin est injustifié.
Des commentaires comme « Ne t’inquiète donc pas ! », « Ne pleure pas ! », « Souris ! », « Ce pourrait être pire ! », « Ce n’est pas si grave que cela ! » et « Vois les choses du bon côté ! » peuvent avoir le même effet.
Quand on réagit ainsi, on nie pour ainsi dire les soucis de l’être éprouvé et cela lui donne l’impression que l’on n’a pas envie d’apprendre ce qu’ils sont. La personne éprouvée risque de se sentir incomprise et délaissée ; d’avoir l’impression qu’on la réprimande pour ressentir ce qu’il ressent. Son fardeau s’alourdit au lieu d’être allégé.
Dans une certaine mesure, le problème que nous avons, face aux épreuves, c’est que nous estimons toujours devoir paraître joyeux, même quand nous souffrons. Or, comme le dit l’Ecclésiaste, il y a « un temps pour pleurer ». Aucun mal à admettre que l’on a mal.
L’être qui souffre a besoin que l’on accepte ce qu’il ressent et ce qu’il traverse. Rassurons-le en lui disant qu’il a raison d’éprouver ce qu’il éprouve. Permettons-lui d’être triste, d’être affligé ou de pleurer quand il est avec nous. Ne vous attendons-pas à ce qu’il fasse comme si tout allait bien, afin de pouvoir bien nous sentir dans notre peau.
2. Attirer l’attention sur nous.
Il arrive qu’au lieu d’empêcher l’être éprouvé de s’exprimer, nous attirions l’attention sur notre situation propre. Que nous ne puissions-nous empêcher de dire, en substance : « Tu trouves que c’est affligeant ? Laisse-moi te dire ce qui m’est arrivé à moi, récemment ! » Ce faisant, nous détournons l’attention – qui devrait se porter sur l’être éprouvé – sur nous.
N’oublions pas que l’être qui souffre est venu vers nous parce qu’il avait besoin de se confier. Comme l’explique le Dr Burkhardt, lui raconter vos histoires risque d’être très frustrant pour lui et « lui donner l’impression que vous ne prenez pas, ce qu’il ressent, au sérieux et ne lui donnez pas l’occasion d’exprimer ce qu’il éprouve ».
De plus, si nous présentons notre situation comme étant pire que la sienne, nous risquons de lui donner l’impression que notre situation est plus importante, ou que – selon nous – son problème est banal, comparé au nôtre.
Certes, partager notre sort peut aider à nous faire des amis, car ils savent que « nous sommes passés par là ». Mais pour aider plus efficacement l’être éprouvé, ne comparons pas notre situation à la sienne et ne dominons pas la conversation. Ce que nous pouvons faire, après avoir brièvement décrit notre situation, c’est de lui demander si cela ressemble à ce qu’il traverse. Ramenons toujours la situation à ce que lui traverse.
3. Donner un conseil non sollicité.
Même si la solution au problème de l’être éprouvé nous paraît évidente, résistons à la tentation de lui donner un conseil quand il ne nous en demande pas. Souvent, quand les gens parlent de leurs soucis, ils savent déjà ce qu’ils doivent faire. Quand ils s’adressent à nous, peut-être souhaitent-ils être réconfortés ou compris, pas nécessairement pour que nous leur disions comment résoudre leurs problèmes. Les bombarder de « solutions » risque de leur faire croire que nous n’avons que faire de leur douleur.
Comme le dit le Dr Burkhardt, « vous vous dites que si vous parvenez à distraire votre ami en lui donnant un précieux conseil, il cessera de pleurer ».
Les conseils non sollicités, parfois, mettent aussi les êtres éprouvés dans une situation embarrassante s’ils ne suivent pas nos conseils. Une dame décrivait son embarras après que son mari ait appris qu’il avait le cancer : « Nous avons reçu toutes sortes de conseils de la part de divers amis, à commencer par des tisanes, des cures de désintoxication, des remèdes naturels, recourir ou non à la chimio, etc., etc. ! Franchement, nous avions soigneusement pesé nos options et la plupart de leurs suggestions n’étaient pas ce que nous souhaitions. Or, toutes les fois qu’on nous suggérait autre chose, nous avions pratiquement à défendre l’option que nous avions choisie ! »
Si l’être éprouvé nous demande conseil, il est possible qu’il soit bon que nous le leur donnions, mais ne parlons que de ce qui nous a aidés, personnellement, plutôt que de lui recommander quelque chose de précis. Autrement dit, plutôt que de dire : « À mon avis, voici ce que tu devrais faire… », dites : « Voici ce qui, pour moi, a donné de bons résultats », puis laissez le prendre sa propre décision quant à la procédure à adopter.
4. Asséner une correction.
Nous avons aussi parfois l’impression que nous savons ce qui a provoqué les troubles que connait l’être éprouvé. Je répète que donner par nos propos cette impression n’est habituellement guère constructif. Dans la plupart des cas, quand les gens traversent une crise, ils s’en sont déjà blâmés, conscients de ce qu’ils auraient plutôt dû faire. Leur dire : « Si seulement tu n’avais pas attendu si longtemps avant d’agir ! », « Si tu avais davantage étudié la question ! » ou « Si seulement tu l’avais prévu » ne va pas remédier à sa situation. Cela risque plutôt de le décourager davantage.
Un exemple classique en ce domaine se trouve dans le livre de Job. Quand ce dernier tomba au plus bas, ses amis le corrigèrent et le critiquèrent, l’accusant de s’être attiré cette épreuve. Au lieu d’alléger son fardeau, ils l’angoissèrent encore davantage et le mirent sur la défensive.
Job déclara : « Celui qui souffre a droit à la compassion de son ami » (Job 6:14). Certes, il y a des moments où il devient nécessaire d’aller voir la personne et de lui montrer ce qu’elle fait de mal – mais non quand elle est dans le creuset de l’affliction.
Quand les gens sont réellement opprimés, ce dont ils ont besoin c’est de soutien et de réconfort, et non d’une évaluation leur montrant ce qu’ils auraient pu faire pour éviter la situation dans laquelle ils se trouvent.
Les personnes qui traversent de dures épreuves ne s’attendent généralement pas à ce que vous prononciez des discours éloquents ou que vous ayez une solution formidable à leurs problèmes ; ils espèrent pouvoir compter sur vous et que vous les souteniez, même si vous ne trouvez pas toujours les mots qu’il faut.
Ce qui compte, c’est de se soutenir réciproquement pour ne pas devoir affronter seul ses épreuves.
Quelle devrait être notre réaction ?
Il y a trois choses à faire, qui sont plutôt simples :
1. Écouter.
Avant tout, quiconque est éprouvé et souffre a besoin qu’on l’écoute. Écoutez-le très attentivement et essayez de savoir pourquoi il ressent ce qu’il ressent. Laissez-le diriger la conversation à sa guise. En étant un bon auditeur, vous lui montrez que vous vous souciez sincèrement de lui.
2. Accepter la situation telle qu’elle est.
Quand un être éprouvé dit quelque chose de négatif, essayons de ne pas en être contrariés. Ce peut être difficile à entendre, mais sans doute qu’il souffre beaucoup. Laissez-le vider son cœur, car à ce moment-là, il vous dira précisément ce qu’il ressent. S’il a besoin de pleurer, laissez-le pleurer. Des réponses comme « L’épreuve que tu as traversée a été dure ! » et « Je suis désolé d’apprendre ce qui s’est passé ! » sont une preuve de bienveillance et d’acceptation de notre part.
3. Rappeler à l’affligé qu’il n’est pas seul.
Disons-lui qu’il peut compter sur nous dans l’épreuve, que nous souhaitons l’aider de notre mieux. Rassurons-le. Disons-lui que nous prions pour lui. Il est écrit : « La prière agissante du juste a une grande efficacité » (Jacques 5:16). Quand on dit à une personne, avec conviction, qu’on prie pour elle, c’est souvent très encourageant et – de part et d’autre, cela resserre les liens.